Déjà deux ans depuis notre retour. Et pourtant
le souvenir de ces six mois de marche est profondément ancré en nous.
En rentrant, on se croit transformé. Puis très
vite par nécessité et par adaptabilité, le quotidien reprend le dessus :
trouver un appartement, retourner au travail, optimiser ses trajets en métro...
Malgré trois semaines de réadaptation à notre
retour, nous avons le sentiment de laisser derrière nous une page de notre vie
que seuls ceux qui voyagent savent lire et apprécier à sa juste valeur. Pour
les autres, nous avons eu six mois de vacances.
On nous demande souvent ce qu'il nous reste
aujourd'hui de cette aventure. Je vais tenter de dresser une petite liste non
exhaustive :
- une lecture assidue et passionnée de Carnets
d'Aventures
- un long processus d'allègement pour marcher
plus léger
- une redéfinition du futile et de l'essentiel
- une prise de conscience profonde de la
pauvreté et des inégalités dans le monde
- une prise de conscience profonde de la
gentillesse désintéressée
- une longue liste de projets de voyage
- une irrésistible envie de repartir, que ce
soit pour une semaine, un mois, un an…
Je ne me suis jamais senti aussi libre que
pendant ces six mois. Une fois que l'on a gouté à pareille liberté, on en veut forcément
une autre part.
Bien sûr la donne est truquée. Cette liberté
n'existe que dans un espace-temps délimité où l'on peut s'affranchir des
contraintes matérielles.
"La liberté existe toujours, il suffit
d'en payer le prix" disait Henry de Montherlant. L'errance ne coûte certes
pas bien cher mais elle n'est pas gratuite.
Il est possible de partir plusieurs mois voire
plusieurs années en acceptant de réduire son niveau de vie. Mais une vie de
cueilleur-pécheur serait une régression vers l'homo erectus. Je n’ai que trop conscience qu’il faut lutter contre l'entropie, ne
serait-ce que pour compenser notre impact et ne pas faire de l'errance et de la
liberté qu'elle procure une oisiveté nauséeuse.
La plus belle maison du monde ? |
Je sais aujourd'hui qu'il n'est pas nécessaire
de parcourir 9000km et de partir 6 mois pour atteindre le sentiment de liberté
qui vous envahit sur les chemins. Il est là dans la promenade de l'après-midi,
dans les semaines de vacances et de randonnées qu'on se programme. Pour les
plus forts d'entre nous, il peut être dans un simple WE à la maison, mais je
n’ai pas encore cette capacité.
Voilà donc en résumé ce qu'il me reste :
des souvenirs, des envies, et des prises de conscience. L'envie irrésistible de
recommencer, d'une manière ou d'une autre, d'alterner les rythmes au cours de
ma vie sans oublier que l'essentiel se trouve parfois le long d'un
chemin de terre : un lit, un repas, un sourire au tournant. Et comment conclure sans rendre hommage à cette nature peu rancunière qui sait que le temps effacera les traces de notre
passage et qui nous invite au respect ?
Phnom
Penh, octobre 2012