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Sur la route, entre Macarri et Ayaviri (Perou). |
A notre retour, marqués par ces 6 mois de voyage à
pieds, nous voulions
témoigner et partager l'aventure que nous avions vécue.
Pressés par la reprise du travail,
l’urgence de trouver un logement,
et rattrapés par le quotidien, il
nous a fallu presque un an pour coucher sur le papier les moments forts que nous
voulions partager.
Cet article destiné à
la revue « Carnets d'Aventures » n'est finalement
jamais paru et nous n’avons pas pris le temps de chercher d’autres tribunes.
Nous avons même oublié de le mettre en ligne sur ce blog qui a été notre voix
pendant six mois.
Pourquoi le publier maintenant ? Pour donner à ceux qui nous ont suivi ou qui tomberaient sur ce blog une synthese de ce que nous avons vécu.
De l’Océan
Pacifique à l’Océan Atlantique, en voyageant autrement : difficile
aujourd’hui de dire comment nous est venue cette idée. Pourtant, ce fut le
point de départ d’un voyage qui nous mena du Pérou à l’Argentine à pied.
Marcher pendant 6
mois, de rencontre en rencontre, parcourir 3000 km sur le haut plateau andin à
4000m d’altitude. Une petite aventure hors de notre ordinaire.
S’échapper,
s’évader du quotidien pour découvrir des horizons nouveaux et vivre d’imprévus.
Nous en rêvions à travers les récits de voyage, embellis et intangibles, de
quelques proches plus téméraires ou d’aventuriers inconnus (merci Carnets
d’Aventures !).
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Brume sur le lac
Titicaca (près de Pomata, Pérou).
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Nous aimons les
voyages découvertes, mais pour ce projet nous avons envie d’autre chose.
Renouer avec une nature, un espace et un temps qui nous échappent au quotidien.
L’Amérique du Sud, ses paysages et ses grandes étendues désertiques nous
attirent, d’autant plus que l‘espagnol nous permettra d’être compris à peu près
partout. Nous ne sommes pas très vélo et l’idée d’un voyage à pieds émerge doucement.
Les échos que nous récupérons du web nous confortent sur la faisabilité de ce
voyage.
« Ce qu’un
homme à fait ; un autre homme peut le faire. » lirons-nous bien plus
tard au milieu du Salar d’Uyuni en Bolivie. Notre projet se concrétise et ne
nous apparaît plus comme une folie.
Plutôt qu’une
traversée linéaire d’ouest en est qui nous aurait obligés à affronter la
monotone platitude herbeuse de la pampa
argentine, nous revoyons notre itinéraire. Nous marcherons dans les traces des
Incas, du Pérou au nord de l’Argentine. Machu Pichu, Titicaca, Uyuni… ces noms
évocateurs nous font rêver et justifient quelques modifications. Au final, la
solitude du haut plateau et l’accueil de ses habitants nous marquerons bien
plus que ces lieux certes extraordinaires, mais dénaturés par le tourisme.
Marcher,
existe-t-il mode de locomotion plus naturel ? « Voir moins pour
voyager mieux et partager plus». Voilà ce que nous rétorquons bien vite à tous
ceux qui ne comprennent pas pourquoi nous limitons ainsi notre parcours quand
d’autres font un tour complet de l’Amérique du Sud en 2 mois.
Nous travaillons
également notre logistique. Nous avons bien quelques randonnées à notre actif,
en solo ou en couple, mais rien de comparable à un voyage de 6 mois. Nous
découvrons les joies de la MUL,
chassons les grammes superflus, recherchons du matériel robuste et léger qui
nous permettra de faire face à l’hiver sur le haut plateau andin. Notre société
de consommation a bien travaillé, nous avons toujours l’impression que le
moindre objet est indispensable. Et pourtant, on vit bien avec deux caleçons et
trois T-Shirt ! (les puristes nous diraient que deux auraient suffi ;)
) Il faut donc trier, se reposer la question de l’essentiel et décider
des compromis que nous sommes prêts à accepter pour ces six mois. Nous
minimisons, épurons… et peinons tout de même à atteindre un poids
acceptable : 9,5kg pour Dom et 12kg pour Franck (sans l’eau et avec la nourriture
de secours pour un repas). Nous laissons derrière nous téléphones portables et
GPS (a posteriori, nous sommes tout à fait contents de ce choix. Ils ne nous
auraient été d’aucune utilité). Les congés sabbatiques sont acceptés,
l’aventure peut commencer.
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Le Sajama nous
aura servi de « phare » pendant plus de 2 semaines. (Bolivie)
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Le 1er
Mars 2010, c’est le départ : nous survolons ces territoires si vastes et
regardons défiler par le hublot ces kilomètres que nous aurons à conquérir un à
un. Déjà, un autre rapport à la nature et à ces étendues sauvages s’installe.
Déférence, connivence… Dès les premiers jours de marche, nous touchons du doigt
ce que ce mode de voyage peut apporter : une impression de grande liberté
dans des paysages magnifiques à la rencontre d’une population à la vie si
différente mais si proche en humanité. Surtout, nous nous glissons dans un
rythme naturel, en phase avec ce qui nous entoure.
Extraits de
notre journal de bord
- J1 :
Nazca-Bivouac, 20 km
Ça y est, le départ,
le VRAI… Les premiers pas, à l’aube, alors que le soleil commence déjà à
chauffer… Nous partons enfin… Après des mois de préparations, de réflexions, de
tergiversations, le début de notre marche ne ressemble en rien à toutes les
projections que nous avons pu faire. Nous marchons dans un rio à sec, à notre
droite, une immense dune de plus de 2000m nous toise. Nous qui avons passé des
heures à sélectionner le matériel le plus chaud adapté à l’hiver de l’Amérique
du Sud, nous suons de tout notre corps sous 36°C. Et pourtant, aucune
déception, nous ne sommes qu’au début… Nous ne savons rien de ce qui nous
attend, la peur se mêle à l’excitation de l’inconnu… Nous ne sommes pas réputés
pour être un couple d’aventuriers, et pourtant nous posons les premiers pas
d’une vraie aventure.
- J3 et J4: Tambo Quemado-Pampa Galleras 15km et 25 km (total 80km)
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Pause carte, (Bolivie)
« euh,
elle va où cette voie ferrée ? »
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Nous partons,
toujours un peu plus tard que prévu, pour tenter de suivre le chemin inca qui mènerait
jusqu’à Puquio. Nous partons sous un grand soleil, longeons ruisseaux et
canaux. Pas vraiment d’indications, cairns ou autres pour nous montrer le
chemin mais bon… Nous bifurquons à gauche sans vraiment nous en rendre compte,
le trajet est tellement idyllique… quelques heures seulement. Nous atteignons
finalement le rio au creux de la
vallée alors que nous devrions être en haut. Bravo l’orientation ! Nous
sommes beaucoup trop bas, complètement encaissés entre le rio et les falaises.
Les nuages commencent à s’amonceler et se montrent très menaçants (j’entends
encore les conseils « en montagne, le temps change très
vite » !!). Conditions idéales pour commencer une ascension
périlleuse de la falaise avec nos grosses chaussures et nos lourds sac-à-dos.
Nous ne sommes pas très fiers de nous. L’adrénaline aidant, nous arrivons
indemnes en haut. Nous n’avons qu’une vague idée de notre position sur la carte
(1/250000e pour des raisons de poids, mais a-t-on besoin de plus
quand on n’a pas de contraintes pour arriver ?) et aucune trace de chemin.
Nous nous empressons de monter la tente avant la nuit au milieu de nulle part,
à 3200m d’altitude et dans la brume.
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Le réveil après
un bivouac sous la grêle.
(entre Chalhunca et Andahyalas, Pérou).
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Nous ne sommes pas
au bout de nos aventures ! Le lendemain, un berger nous indique la direction
et nous tentons de rejoindre la route que nous apercevons grâce aux pylônes
électriques. Nous avançons difficilement sur ce faux-plat dans une pampa
envahissante, le souffle rendu court par l’altitude ! Nous sommes tout de
mêmes passés de 600 à 3900m en 4 jours et nos organismes n’ont pas encore pris
le pli ! Je n’en peux plus, je suis à plat, et je puise au fond de moi pour
finir ce trajet qui me semble interminable ! Enfin, la route. L’inscription
« bar restaurant » brille à mes yeux affamés ! Nous sommes à
peine installés dans cette bicoque de briques et de tôles, qu’un énorme orage
de grêle éclate pendant une heure et demie ! Je n’ai jamais vu ça de ma
vie ! Intérieurement, je suis pétrifiée. Les événements d’hier associés à
ce déferlement naturel me font douter de la faisabilité de notre voyage. Et si
nous avions été dehors ? C’était l’hypothermie assurée ! Les
questions du danger, des risques encourus reviennent sans cesse ébranler ma
conviction que ce voyage est une belle aventure. Franck me demande si ça va, je
reste évasive de peur de l’entraîner dans mes tourments. Et tant mieux, car il
a plutôt l’air serein et profite avec avidité de son assiette au chaud ! Mon
côté têtu a quelques avantages, je ne veux pas m’avouer vaincue si tôt !
Je suis donc mon homme dont la confiance sans faille me réconforte. Une petite
nuit à l’abri de la pluie dans une réserve de vigognes finit de me
requinquer !
- J25 : Bivouac Rio Blanco – Yanama 18km (total 475km)
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Les ruines de
Choquequirao. Perdues à 2 jours
de marche du plus proche village et bien moins
fréquentées
que le Machu Picchu. (Pérou)
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Nous laissons
derrière nous les magnifiques ruines de Choquequirao. Si elles semblent moins
impressionnantes que celles du Machu Picchu (surtout moins rénovées car remises
à jour dans les années 90) leur relatif isolement en fait un véritable trésor.
Accessibles uniquement après deux jours de marche depuis le plus proche village
(pour le moment !) elles ne s’offrent encore qu’aux
« trekkeurs ». Et la marche n’échappe pas à l’industrie du tourisme.
L’organisation des « treks » a développé une vraie économie dans la
région : guides, porteurs, muletiers, camps de bases et hébergements au
départ et à l’arrivée. Pour ce « chemin de l’Inca du pauvre »
(l’itinéraire n’est encore soumis à aucun quota ce qui en fait une alternative
au très cher et surbooké « chemin de l’Inca » arrivant au Machu
Picchu) le programme est à la
carte. On peut encore choisir entre l’autonomie (comme nous),
le guide, les mules pour alléger le portage ou le programme tout compris avec
porteurs, cuisiniers et même siège toilette (véridique !). Et tant mieux
finalement car cela permet encore à différents publics d’accéder à des sites
reculés, véritables trésors, sans pour autant les dénaturer. Et il n’y a pas de
raison que ceux qui ne peuvent pas porter leur maison et l’autonomie d’une
semaine ne puissent pas en profiter, tant que le choix perdure et n’est pas
sacrifié au dieu Eco(nomie)tourisme organisé et à ses bénéfices financiers.
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Un repas chaud inespéré
dans
une ferme accrochée à flanc de montagne,
en route vers Yanama. (Pérou)
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Au cœur de ces
vallées reculées et encaissées, nous sommes à plusieurs jours de marche et de
mules des voies de communication traditionnelles. Et pourtant, on trouve des
fermes et des villages. L’Homme va et vit partout. Et ce sont les traces de ces
bergers, de ces muletiers, que nous suivons désormais.
Les premiers
kilomètres s’accumulent, peu à peu nous prenons nos marques, nos habitudes.
Malgré les incertitudes qui jalonnent notre parcours, nous recréons une sorte
de cocon, avec des rituels : Franck prend la tête le matin et nous
marchons séparément jusqu’à midi. Cela fait du bien, car la marche est un
effort essentiellement solitaire. Malgré le réconfort et la motivation
indispensable de l’autre, la marche nous met seul face à nous même. Nous nous
retrouvons aux pauses et pour le déjeuner, ce qui nous permet de partager nos
sensations, nos réflexions. L’après-midi est souvent pour nous un temps de
discussion passionnée sur des sujets aussi divers que variés : une recette
de cannelés, nos envies au retour, les innombrables endroits en France et
ailleurs que nous avons envie d’explorer, nos rencontres, la découverte de nos
forces et de nos limites ...
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Sur
les chemins péruviens. (entre Chalhuanca et Andahuyalas, Pérou). |
- J89 : Bivouac
Malau Chasi – Okoruro, 25km (total 1450km)
Quelle journée
difficile ! J’ai eu froid toute la nuit. Il fait moins de 0°C dans la tente au réveil.
L’eau de vaisselle gèle dans le bol après le petit déjeuner. Le chemin est très
beau mais l’air est glacial. Nous ressemblons à deux explorateurs du bout du
monde en route vers le Sajama qui domine le paysage désertique :
multicouches, gore tex® et capuches bien vissées à nos têtes pour atténuer le
hurlement du vent dans nos oreilles. Nous avançons courbés, soutenus par nos
bâtons. Nous perdons la piste, suivons le rio
puis traçons vers une ferme isolée sur les conseils d’un vieux berger de lamas.
A l’issue de cette journée dans une pampa
aride et déserte balayée par un vent infernal, nous arrivons enfin à Okoruro.
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Avec la famille d’Ernan
qui nous a accueillie
après une longue journée dans le vent.
(Okururo, Bolivie)
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Quelle est la vie
de ces boliviens qui travaillent aux champs pour faire paître leurs lamas,
rentrent au coucher du soleil pour s’enfermer à l’abri de leur maison branlante
aux toits de chanvre ou de tôle, sans fenêtre et sans électricité ? C’est
bien loin de notre quotidien, que ce soit à Paris ou même nomade depuis 3 mois...
Nous arrivons sur la place, déserte, mais l’habituel robinet des villages
boliviens nous pourvoie en eau. La femme d’Ernan, le vétérinaire à moto croisé
hier nous offrira un toit pour la nuit, un repas pour nos estomacs affamés et
un ravitaillement en gâteaux inespérés (merci aux gaufrettes et aux gâteaux sans qui nous n’aurions sans doute
jamais pu marcher autant !). Une porte en tôle fermée cache également les
meilleurs petits pains que nous avons mangés jusqu’à présent. Il faut connaitre
ici ! Le voyage réserve ses surprises, comme ce réconfort inattendu après
une journée d’effort dans le vent et sans eau. Et toujours ce paysage
magnifique de la cordillère occidentale… Je m’inquiète toujours pour la
cheville de Dom et me dis que nous devrions prendre un peu de repos avant
l’ascension du Sajama…
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Les volcans
jumeaux, le Parinacota et le Pomarapi,
nous tiennent compagnie. (Bolivie)
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En route vers le
Sajama ! (Bolivie)
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En haut du
Sajama, 6542m. Ca, c’est fait. (Bolivie)
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- J 103 :
Coipasa- Bivouac Tauca, 44km (total 1727km)
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Impossible de se
perdre dans les Salars,
il y a des panneaux ! (Salar de Coipasa, Bolivie)
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Une de nos journées
les plus fascinantes et incontestablement la plus éprouvante pour moi. On nous
a indiqué une piste qui traverse le Salar de Coipasa jusqu’à Tauca. Mais très
vite on déchante ! Il n’y a pas une piste mais pléthore de traces. Chaque
personne que nous croisons nous donne un conseil différent. Comme d’habitude. Avec
ces informations contradictoires, nous finissons par choisir une direction au
juger avant de rattraper une piste ou plutôt les traces des véhicules que nous
voyons passer. Raccourci vers Orujo ? Contrebande depuis le Chili ?
Nous sommes impressionnés par le nombre de voitures qui traversent ce salar peu touristique. Et pourtant
aucune ne s’arrêtera à nos signes pour que nous puissions confirmer notre
chemin. Nous avons même failli nous faire écraser ! En plein salar, désert, un 4x4 n’a pas trouvé
mieux que de viser notre direction alors que nous faisions notre pause
tranquillement assis par terre, adossés à nos sacs. Le panneau Tauca, tout
droit au milieu de nulle part est l’apothéose de cette journée irréelle. Nous
avons l’impression d’être dans un film où nous avançons sans que le décor
change… Le crissement du sel sous nos pas accompagne notre progression. C’est
lunaire….
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Dans le Salar d’Uyuni,
on se sent tout petit. (Bolivie)
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- J109 : Chuvica_Colcha K 22kms (total 1915km)
Après une bonne
nuit au chaud, nous prenons notre temps pour un petit déjeuner avec vue sur le Salar d’Uyuni. Tous les tours opérateurs
sont partis depuis longtemps et nous profitons de l’hôtel de sel, seuls. C’est
désert et calme ce matin après la frénésie de la soirée quand les groupes en
4x4 font escales en bordure du salar.
Les derniers jours
ont été éprouvants, Franck a les pieds en sang (ses ampoules ont formé des
plaies qui ne cicatrisent pas…). Mais il continue à serrer les dents !
Nous décollons et le vent est encore de la partie ! Je ne pensais pas que
ce serait l’élément le plus difficile à combattre, surtout
psychologiquement ! Sans arrêt déviés, nous devons fournir le double
d’énergie tout en ayant l’impression de ne pas avancer !! Et ce rugissement
constant qui nous fait tourner la tête ! Après à peine une heure de
marche, Franck doit s’arrêter et rebander ses pieds avant que ça dégénère
encore. Bonne initiative puisque quelques minutes plus tard, trois
cyclotouristes (Mathieu et Nicolas deux français accompagnés de Unay, un basque
espagnol) arrivent. On tape la causette, et échangeons nos impressions sur les salars. Ils n’en reviennent pas que nous
les ayons traversés à pieds. Nous n’en revenons pas qu’ils voyagent autour du
monde depuis un an et demi. Nous sommes toujours impressionnés par la folie des
autres. Nous poursuivons, courbés par le vent tels de vulgaires épis, et
peinons à rejoindre Colcha k !
Sur la place du
village nous tombons sur un camping car avec une plaque française !!!! Un
couple de grenoblois et leurs deux enfants qui voyagent depuis plusieurs
années… Nous finissons donc rapidement autour d’un café à l’abri dans leur
« maison » ambulante, vite rejoints par les cyclotouristes.
Plus d’une heure de discussions, d’échanges d’informations, d’impressions…
Quelles rencontres !
Nos chemins se séparent
à la tombée de la nuit, chacun reprenant sa route, méditant encore sur ces
beaux hasards que le voyage nous offre.
- J120 : Mine de Chilcobija – Nazarenito, 29 km (total 2132 km)
Après l’accueil et
l’hospitalité d’hier, ce matin, c’est le petit déjeuner qui nous est offert par
la tenancière de la pension de ce village minier. Adorable. L’accueil que nous
avons reçu à Chilcobija réchauffe le cœur même si nos corps endoloris nous font
sentir qu’ils ont soufferts des 38 km parcourus la veille.
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Au dessus d’une
mer de nuages,
entre Iruya et Humahuaca (Argentine).
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Nous avons de plus
en plus de mal à décoller tôt. Et dès notre départ un vent froid et fort nous
fait savoir que la matinée sera ardue. On a l’impression de se faire emporter
sur cette piste de crête et nous devons vraiment lutter pour avancer. Nous
sommes obligés de nous tenir côte à côte, en nous accrochant l’un à l’autre
pour essayer de ne pas trop dévier. C’est épuisant et effrayant de ne pas se
sentir plus lourd qu’un fétu de paille ! D’autant que nous ne savons pas exactement
où nous allons ni combien de temps il nous faudra. Il ne faut jamais demander à
des sédentaires, automobilistes de surcroit, le temps qu’on mettra à pieds. Les
réponses vont de 3h à la journée et les distances du simple au triple.
Nous croisons enfin
un médecin à moto qui nous confirme que nous sommes sur le bon chemin, et plus
très loin. Il s’en va pour ses consultations, couvrant une vaste partie de ce
Nord Lipez qu’on nous avait promis désert et silencieux, et où nous n’aurons finalement
jamais dormis dehors. Et avec ce vent, heureusement pour nous ! Nous arrivons
enfin, plus tôt que nous ne l’espérions, à cinq maisonnettes délabrées mais où
nous sommes accueillis par Doña Maxima
qui nous offrira un toit, un mate et un bon bouillon !
- J 127 :
Villazon-La Quica, passage en Argentine ! (total 2282km)
Nous nous apprêtons
à passer la frontière et à quitter le doux bordel, pardon le doux mélange de
chariots de rue, de marchands ambulants et de bonne humeur bolivienne. Après
quelques courses de ravitaillement et une heure de queue à l’immigration, nous entrons
en Argentine ! Grandes routes asphaltées, multiples choix culinaires, prix
doublés ! Nous avons bien changé de pays !! Nous goûtons à notre
première parrillada (viandes grillées),
en regardant Uruguay-Pays Bas, demie finale de la coupe du monde de foot. Les
argentins sont tous à fond !! Pour notre part, nous redécouvrons la TV et
le football.
- J 131 :
Bivouac près de San Francisco-(altitude 4200m), 22 km (total 2351 km)
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Les pieds dans l’eau
après Nazarenno (Argentine) :
peu après, le soleil laissera la place
aux
nuages et nos sourires à des grimaces.
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Ces derniers jours
nous prenons notre temps… Etonnant de dire ça alors que nous marchons depuis
des mois… Mais là, nous sentons la fin se rapprocher… Nous ralentissons encore
plus, pour faire durer le plaisir… Nous dégustons un petit déjeuner royal en
nous réchauffant au soleil… Même si un col à 5000m nous attend. Le démarrage
est dur, surtout pour moi, mon épaule me tiraille encore, le vent souffle.
Comme d’habitude, les paysages nous sont d’un grand soutien ! Cette piste
qui serpente dans les montagnes magnifiques me motive. Un pas après l’autre
nous atteignons le col ! La vue est impressionnante… Nous poursuivons ce
flanc de montagne au dessus du coton d’une mer de nuages et cherchons tant bien
que mal un endroit plat pour bivouaquer. Nous apercevons Nazareno en contre
bas.
- J133-J137 :
Trek de Nazareno à Iruya (total 2460km)
Grâce au topo d’un
trek réalisé par deux amis, nous allons traverser par les montagnes pour
atteindre Iruya et ainsi éviter la route nationale ! Nous partons donc de
Nazareno confiants, après une bonne nuit de sommeil ! Nous entamons l'itineraire
trek en descendant vers le rio sous
le soleil. Le chemin est bien balisé, nous avons de belles pierres qui nous
permettent de traverser le rio sans nous mouiller les pieds, tout s’annonce
bien ! Cela ne va pas durer très longtemps. Les nuages s’amoncèlent au fur
et à mesure que nous nous enfonçons dans le couloir encaissé formé par la quebrada (vallée).Le thermomètre chute.
Pour arranger le tout, il n’y a plus de pierres disponibles pour traverser. Après
avoir perdu un temps fou nous nous résignons à traverser l’eau gelée chaussés.
A midi, je craque, le froid s’insinue en moi, mes pieds se sont transformés en
deux bouts de bois, j’ai mal. Les kms suivants se feront larmes au visage et
dents serrés ! Le bivouac du soir est plus qu’apprécié. Malgré le vent et
l’humidité, je parviens à allumer un beau feu qui nous permettra de nous
réchauffer et accessoirement de brûler mes lacets et les chaussettes de
Franck…Oups ! Mais qu’il est bon de se glisser dans des affaires sèches et
dans notre bon duvet !
Le froid marquera
donc les journées de ce très beau trek… Nous en oublierons même nos sardines
après un départ matinal et précipité dans la brume. On dit que la misère est
plus douce au soleil. La marche aussi.
- J155 : San Carlos-Cafayate 22 km (total 2821 km)
Nous progressons
dans cette vallée accompagnée de notre fidèle ami le vent, mais aussi entourés
de montagnes splendides aux couleurs impressionnantes : un dégradé de
rouge brique vers le cumin en passant par le vert de gris. Déjà le dernier jour
de marche ! Un brin de nostalgie nous envahit. Les derniers kilomètres tant
attendus mais aussi tant redoutés… Comme pour exprimer sa tristesse, le ciel
est gris, couvert de nuages et il fait frais…
Nous passons les premières heures à parler prochains voyages,
projets… Cela nous fait un peu oublier que nous marchons sur l’asphalte, en
bord de route… Pas très agréable pour une conclusion. Quelques bodeguitas (petites caves) balisent cette
route des vins bien connue. La trajectoire est rectiligne et suit la nationale,
le bas côté sablonneux, le vent de face bien froid, le paysage désertique. Une
route bien banale pour la fin de ce voyage ! Nous faisons traîner le déjeuner comme
pour retenir ces derniers instants. Nous arrivons dans les vignes et apercevons
enfin la ville de Cafayate. Nous fêtons notre arrivée avec un vrai festin et
évidemment du bon vin ! Nous recommençons les excès, mais avec quel
plaisir !! Il nous reste quelques jours pour profiter des bonheurs
culinaires argentins et rattraper les kilos perdus pendant cette marche…
Comment résumer ces
quelques mois passés à tracer notre chemin sur le plateau andin ?
Définitivement, ce voyage nous a fait changer de référentiel, les 6 mois pris
en partant nous semblaient longs. Nous nous surprenons à regretter de ne pas
avoir pris plus. En continuant la ruta
40, nous aurions pu atteindre la Terre de Feu ! (certes il aurait fallu accélérer
un peu pour couvrir les 4000km qui nous en séparaient…) Marcher prend du
temps ! Et pourtant, en posant nos chaussures et nos bâtons, nous regrettons
d’être allés trop vite, portés par notre volonté d’atteindre les objectifs que
nous nous fixions chaque jour et de couvrir les kilomètres programmés jusqu’à
Salta. Prendre goût à la marche, c’est prendre goût à la lenteur. A 5 km/h, on a encore
l’impression d’aller trop vite. On se reproche ce détour qu’on n’a pas voulu
faire, cette pause que l’on ne s’est pas octroyée. Le voyage transforme.
Chaque personne
rencontrée a mis sa petite pierre sur notre chemin. Cela nous a permis
d’avancer, de ne pas nous égarer, et bien souvent de dormir sous un toit. Des
montagnes du Pérou, des ruines de Choquequirao au Machu Picchu, des bords du
lac Titicaca jusqu’au sommet du volcan Sajama, des déserts de sel boliviens à
l’altiplano argentin, nous avons été comblés par cette nature si diverse mais
nous avons surtout été touchés et mis à nus par la gentillesse et l’hospitalité
des visages croisés. Ils nous ont offert à partager le peu qu’ils possèdent sans
rien attendre en retour.
En
aurions-nous fait autant ? Saurions-nous faire preuve de la même richesse
de cœur ? De toutes les expériences que nous avons vécues au cours de ces six
mois, de tous nos apprentissages, c’est cette leçon d’humanité qui nous aura le
plus marquée.
Le
rythme de la marche s’est lentement insinué en nous. Il nous a appris à
apprécier pleinement ces rencontres. Et à aller moins vite. Levez le pied,
c’est la meilleure façon de marcher !
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Coucher de soleil sur les Andes, perdus apres Puquio (Perou). |